Comment
agit la grâce
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Comment agit la grâce ? |
La
grâce agit toujours par surabondance, c'est à dire
par-dessus notre condition naturelle, ce qui veut dire par-dessus notre
péché en action, à savoir par dessus la dispersion
de notre esprit qui divague dans une autre direction. Puisque la grâce agit ainsi par surabondance, il n'est pas nécessaire de chercher outre mesure à remonter les nœuds de son histoire personnelle. |
En
effet, l'esprit a les propriétés du liquide. Il
est comme l'eau et cherche à s'écouler du haut vers
le bas et suit de lui-même les interstices qu'il trouve le
long de notre nature. |
Mais
l 'Esprit a également les propriétés du feu
: il se répand alors par embrasement et du bas vers le haut. C'est ce qui explique qu'il puisse se propager de cur à cur, comme le bout de bois s'enflamme à la chaleur de la bûche voisine. C'est pourquoi, devant un moine travaillé par l'Esprit, on peut éprouver l'énergie de sa grâce nous gagner. |
L'ouverture
à la grâce nécessite votre oui plein et entier.
Ce oui renouvelé est comme l'oxygène sans lequel le feu
ne se répand pas. C'est le robinet qui ouvre l'épanchement
de l'Esprit. Vous gardez à chaque instant votre libre arbitre plein et entier devant l'amour de Dieu, libre de l'accepter ou de le refuser. Le travail de l'Esprit est une alliance, c'est à dire un contrat de chaque instant que vous êtes libre de renouveler ou non. Si vous aliénez les possibilités de ce libre arbitre en vous, le travail de l'Esprit ne pourra plus se faire parce que vous serez incapable du oui plein et entier, qui est indispensable. Ce oui est dit plein et entier parce qu'il est oui du cur, c'est à dire oui de la part de chacune de nos composantes conjuguées. Ainsi le oui de la sensibilité, à la lecture d'un psaume pendant la lectio divina, peut devenir oui de l'intelligence puis oui de la volonté qui nous faisait défaut, ou encore le oui de l'intelligence gagner le oui de la sensibilité puis le oui de la volonté. Le signe que le oui est pleinement le oui du cur, c'est à dire le oui de toutes nos facultés est la joie de l'ouverture du cur. |
Pour donner le oui nécessaire, le faible et fragile est plus avantagé que le fort. |
Le
travail de la grâce sur le cur peut s'accompagner de larmes,
mais on ne cherchera pas les larmes pour les larmes, mais seulement le
oui du cur à l'action de l'Esprit. On ne cherchera pas du tout les visions, ni les prodiges. Si des visions ou des prodiges surviennent, on ne s'en formalisera pas plus avant, mais on ne les recherchera pas. On ne cherchera pas non plus l'extase pour elle-même, et on tiendra ce ravissement en Dieu, s'il survenait, pour le signe qu'il est devenu nécessaire après le travail d'éveil du cur par l'esprit, centrifuge et excitant, de travailler le retour centripète de l'intellect vers le cur, comme pour ne pas s'ébrouer des dons de l'Esprit et les gâcher au-dehors. |
On
rejettera la littérature qui fait l'étalage et l'apologie
des visions. On
se méfiera de même des vies de saints où surviennent
à l'excès les prodiges, et on suspectera cette trop grande
abondance d'être le signe d'une pathologie liée à
un amour de Dieu pourtant sincère, pur et entier, mais où
l'unité de la personne a été renié. |
C'est
malheureusement presque l'ensemble de la littérature catholique
des cinq derniers siècles, qui est devenue désordonnée
après que le sens de la lectio divina se soit perdu, et dont on
se méfiera ainsi. Par contre, on pourra se référer sans risque à la très belle littérature hésychaste, qui est la tradition des pères orientaux basée sur la pratique de la prière du cur, et dont le recueil des textes portent le nom de philocalie (voir bibliographie). |
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