Principes généraux des méthodes de prière
 
Dieu aime votre personne et en a besoin pour son économie, qui est l'économie du salut, ne la niez pas en croyant lui être agréable, c'est son instrument.
 
La personne est l'unité qui en nous est capable de faire des choix, d'avoir des goûts, de conduire des desseins... Cette personne constitue notre individualité qu'il ne s'agit pas d'abîmer.
 
Les mystiques ne le font pas, contrairement à ce que peut parfois laisser entendre le langage qu'ils emploient. Ils parlent beaucoup de se renoncer, mais font pourtant preuve dans leurs existences d'une personnalité souvent hors du commun.
Regardez leurs vies, ils sont capables de réformer leurs ordres, de diriger leurs monastères de main de maître... Personne n'a plus les pieds sur terre que les mystiques.
Il faut entendre par se renoncer le fait de s'offrir à Dieu, c'est à dire d'orienter vers son œuvre chacune de nos "pensées".
 
Un peu de terminologie :
 
La personne est constituée de plusieurs facultés d'ordres différents, que nous ne chercherons pas à distinguer, pour ne pas nous fourvoyer dans une impasse scolastique, à cause de leur interdépendance. Ce qui est produit par ces organes, comme les idées, les sensations, les désirs... est désigné sous le terme générique de "pensées". Il ne faudra donc pas dans la littérature des pères entendre par "pensées" le seul domaine des idées, mais tout ce qui sort de notre esprit.
 
Le lieu de production des pensées est communément désigné par le "cœur", et l'organe de production de ces pensées est désigné par le terme d' "intellect". Il ne faudra donc pas entendre par "intellect" ce qui produit les seules idées, mais ce qui produit tout ce qui nous passe par la tête, consciemment ou inconsciemment.
 
A noter que la notion de "centre", si populaire dans le new age, n'est pas vraiment développée dans la tradition chrétienne. Le "cœur" n'est pas le centre de l'individu qu'il s'agirait de trouver, c'est seulement le lieu de production de ses "pensées". La mystique chrétienne ne consiste pas à chercher un "centre" de l'homme.
 
Les mystiques disent souvent qu'ils luttent contre les "passions", et ils entendent par "passions" toutes les "pensées" qui ne les rapprochent pas de Dieu.
 
Un peu de mécanique :
 
Comment fonctionne l'esprit ?
 
Si nous essayons d'examiner comment fonctionne notre "intellect", nous voyons que le principe premier en est celui de l'association. Une "pensée" en appelle une autre, qui en appelle une autre etc... Notre "intellect" est comme un vrai fleuve qui charrie sans cesse toutes sortes de choses.
 
Ainsi, par exemple, une sensation appelle une image qui en appelle une autre, cette image appelle un souvenir qui appelle une idée, cette idée peut appeler une impulsion etc.
A cause de ce processus d'association, nous ne sommes pas les maîtres de notre imagination, mais notre imagination est le vrai maître de notre personne, bien que cette imagination ait été façonnée par notre histoire. C'est elle le vrai chef qui tient les rênes, malgré nous.
 
Nous pouvons facilement prendre conscience de ce phénomène par exemple en essayant de saisir le flux de nos pensées alors que nous allions nous endormir. Quel rivière d'images et de pensées incroyablement associées !
Nous pouvons également en prendre conscience pendant la méditation en essayant d'arrêter le flux continu de ces pensées. Nous verrons alors que c'est impossible, et que très vite le principe associatif reprend ses droits incitant notre esprit à vagabonder à nouveau.
 
Nous pouvons deviner que le mystique cherchera à lutter contre les associations à caractère égoïste dispersantes et à ne favoriser que les associations s'orientant vers l'ouverture à Dieu : ce qui est à contrarier est ainsi ce mouvement sauvage de l'association des "passions".
 
Les diverses techniques auront en commun d'obliger l'esprit à se livrer à des associations précises, s'opposant ainsi au mouvement de l'imagination qui voudrait suivre au contraire son propre mouvement d'association libre.
 
Se réunifier:
 

Mais nous avons vu que l'intellect est comparable au corps et qu'il a des organes de natures différentes, comme le corps a des viscères, des muscles, un tissu nerveux pour remplir diverses fonctions.
Ces organes de l'intellect fonctionnent aussi selon des principes propriétaires. Il n'y a donc pas qu'un seul "cheval imagination" mais plusieurs, comme la volonté, l'intelligence, la sensibilité...

Or ces différents organes, à l'état naturel, ne travaillent pas de concert, loin de là. L'un tire dans un sens, l'autre d'un autre côté.
Par exemple nous voulons faire telle chose, mais notre goût n'y incline pas, ou encore notre volonté suivrait volontiers telle idée, mais notre intelligence est ailleurs etc.
 
Nous ne sommes pas réunifiés, nous sommes "légion", c'est à dire comme plusieurs.
 
Les méthodes vont œuvrer à cette réunification en trois temps.
Dans le premier, il s'agira de s'employer à concerner chacun des organes, à s'adresser à eux comme le chef tape de sa baguette pour réveiller l'attention de tous les instruments. C'est le souvenir de Dieu.
Les ayant réveillés, il faudra ensuite orienter le travail de tous ces organes dans l'unique direction du chef d'orchestre, et n'en suivre que la seule direction avec bonheur. C'est le travail de réunification. Le signe de la réunification est la joie.
Il y a un temps qui suit le travail de réunification, rarement décrit. Syméon le nouveau théologien et le pseudo Denys l'Aeropagyte l'évoquent : c'est le travail de purification. Il faudra, les différents organes s'étant tournés vers Dieu et activés par la grâce, retourner le mouvement de la prière vers le lieu du "cœur" pour qu'il ne se perde plus. Le mouvement de la prière doit retourner de façon centripète vers le lieu du "cœur" parce que c'est de là que sortent nos "pensées".
 
"Garde ton cœur plus que toute autre chose,
car c'est de lui que jaillissent les sources de la vie." (Proverbes, 4 : 23)
     
   
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