Les vêtements qui habillent la prière

Le mystique endosse trois vêtements indispensables pour habiller le "nouvel homme" qui sont :
le monotropisme de la pensée,
la désapropriation,
l'intériorité.

Le monotropisme de la pensée : C'est le fait d'orienter sa pensée toujours vers un seul objet, tel le prétendant vers sa bien-aimée. Le mystique ne doit tendre continuellement que vers son but, ne vouloir que d'être agi par Dieu.

La désapropriation : C'est de reconnaître continuellement qu'on ne s'appartient pas. Cela permet de rendre notre intellect plus malléable que si on en a la prétention.

L'intériorité : c'est l'aspect le plus délaissé du travail actuellement. Il s'agit de développer, parallèlement à l'exercice habituel de notre intelligence, le tranchant d'une attention tournée vers le mécanisme des pensées en cours. Il faut percevoir de façon de plus en plus précise le mouvement à l'oeuvre de nos humeurs, de nos pensées, de nos désirs

Qu'une seule de ces dimensions vienne à manquer, ou soit insuffisamment développée, et le travail est incomplet.
On ne vise plus alors tout à fait sa cible. La prière est déviée, peut être dangereusement.

De ces trois conditions nécessaires, on voit bien que les deux premières nous sont par nature impossibles à développer par nous-même. Comment pourrions-nous alors les réunir préalablement ?
Nous ne sommes pas capables de vouloir Dieu par nous-même de "tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces" (Dt 6-4,), c'est à dire que nous n'avons pas les moyens par nous-mêmes, de l'aimer de toutes les composantes de notre personne.
Nous sommes également habitués à nous croire propriétaires de notre personne et de ses attributs. Nous croyons avoir le mérite de ce qui nous arrive en bien, et nous ne comprenons pas alors quand quelque chose nous arrive en mal.
Seul le travail de l'intériorité semble être un travail qu'on peut commencer à mener par soi-même.
Mais si ces trois vêtements sont nécessaires au développement de la prière, ils en sont aussi les fruits et s'activeront d'eux-mêmes.
Cherchez comme l'aveugle à tâtons, et ces mouvements se formeront d'eux-mêmes.
"Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira."Luc (11:20)

Prenons l'exemple d'un mystique chrétien.

Son esprit sans cesse bondit vers Dieu, quelles que soient les activités qu'il mène dans le même temps : monotropisme de la pensée.

Désappropriation : sans aliéner son individualité, il renouvelle sans cesse la conscience qu'en réalité il ne se possède pas. La charité l'aide à ne plus se placer au centre du monde. Connaissant qu'il n'est pour rien dans le travail de la grâce, il entretient l'humilité.

Il est continuellement conscient de son péché, c'est à dire qu'il voit clairement en lui les pensées qui surviennent, et qui toutes essayent de le ramener à sa petite personne égoïste : intériorité !

Ce mystique ne voulant rien plus qu'être l'objet de la grâce, et conscient du processus de ses pensées qui l'en éloignent, connaît alors le stade de la prière continuelle.

La prière continuelle est un état, qui nous est accordé, et que tous nos efforts ne visent qu'à ne plus contrarier.
Cet état de prière continuelle n'est pas reproductible par nos propres moyens. Il concerne la globalité de la personne. Lorsque la prière continuelle tourne en nous telle un moteur, on cherche alors à laisser faire le travail de l'Esprit en soi.
Le but de la mystique consiste à essayer de réunir les conditions propices au développement de ce stade, en favorisant le réveil à Dieu de toutes nos composantes.

La prière continuelle, quand elle s'installe, peut durer quelques jours, quelques semaines, plusieurs mois...
C'est elle qui fait le travail en nous.
Lorsqu'elle disparaît, on attend qu'elle reprenne afin de nous apprendre à nouveau à prier, mais on n'essaie pas d'imiter ses symptômes qui ne sont que des symptômes et qui n'en sont pas le moteur.