Sanctification

 

Lorsqu'on "entend" enfin qu'il est une dimension intérieure supérieure et indépendante, on peut alors concevoir l'anthropologie chrétienne, et l'orientation de cette anthropologie, qui est :

chair <- esprit <- sur-nature

 

Cette orientation (avec les flêches) est très importante.
Reprenons-en tous les termes.

 

Si l'esprit se nourrit de chair (chair -> esprit), alors l'esprit suit les impulsions de la chair et en devient l'objet. L'esprit est alors dénaturé par la chair. On tombe dans l'érotomanie qui est un puits sans fond.

Au contraire, si la chair se nourrit d'esprit (chair <- esprit), c'est le sens de la nature originelle. Il n'y a pas dévoiement, car le sens de la restauration est suivi et la chair réhabilitée.
On notera donc que la chair a sa place dans le schéma de la sanctification, et que sans cette place, la sanctification n'est pas complète.

 

De la même façon, si l'esprit veut façonner un ciel à son image, imaginer à sa façon l'ordre du monde divin (esprit -> sur-nature), alors il y a dévoiement et coupure d'avec la sur-nature. C'est ce qui arrive à toutes les religions qui font primer le système sur la pratique.
C'est le piège de la scholastique.

Au contraire, lorsque l'esprit se nourrit du Sans-forme (esprit <- sur-nature), il reçoit de lui et est réhabilité dans sa nature et fonction originelle. L'ordre de la création est alors respecté, et l'esprit est fécondé et peut restaurer la chair..

 

Le sens unique et saint de la restauration est donc :

chair <- esprit <- sur-nature

 

Observez comme le rituel de la messe et de l'eucharistie se conforme exactement à cette sainte orientation : la chair se nourrit d'esprit avec le chant et les mouvements du corps, et l'esprit se nourrit de sur-nature en recueillant le mystère des paroles saintes et en les laissant germer.
C'est pourquoi pendant la messe et l'eucharistie, parce que le sens de la sanctification est respecté, la grâce peut pleuvoir vers les âmes.

 

Le sens du péché en conscience contiendra toujours au moins un des vecteurs suivants :

chair -> esprit
ou
esprit -> sur-nature

 

Le fait que les pères de l'église ne s'accordent ensuite pas vraiment sur les détails secondaires des termes de l'anthropologie chrétienne est le signe que seule la polarité énoncée ci-dessus importe vraiment, et moins les détails.

Il nous suffira pour les comprendre, et comprendre les pères hésychastes, de savoir qu'on appelle "intellect" ("noûs") l'organe en nous capable de recevoir la sanctification de la sur-nature vers l'esprit (esprit <- sur-nature), et que ce terme désigne simplement ce véhicule.

On pourra lire avec intérêt, à propos de cette anthropologie chrétienne, l'ouvrage du lumineux Eugraph Kovalevsky, "La quête de l'esprit", Albin Michel, Spiritualités vivantes 1993

 

La pratique n'est pas du tout de rechercher en vain cet organe, mais de rechercher la conformité à la place du Christ en soi qui se fera naturellemnet au travers de cet organe.
L'erreur consistant à rechercher ce "noûs" comme étant Dieu en soi reviendrait à l'erreur new age d'une lutte de l'ego contre l'ego, avec la vanité supplémentaire de rechercher quelque chose qui n'a sa place nulle part.
Le "noûs" est seulement l'organe de la bénédiction de l'esprit. Prétendre en dire plus à ce sujet serait s'aventurer là où "le mystère", à savoir ce qui n'est pas donné à l'homme de pouvoir comprendre, impose le silence respectueux.

 

 

 

 

 

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