Un exemple de méthode : la cabale d'Abraham Aboulafia
 
Au XIII° siècle, naquit la cabale.
La Cabale est la troisième couche de la tradition juive : il y eut la torah (et certainement une tradition orale avant l'établissement de la torah écrite), puis le talmud par dessus, qui ne contredit pas la torah, et enfin la strate de la cabale, qui ne contredit pas le talmud.
A cette époque, Moïse de Léon rédigea une œuvre monumentale, le Zohar, qui ne visait qu'une élite mais devint très populaire.
Et d'autre part, Abraham Aboulafia entreprit de diffuser auprès du grand public sa technique de prière, mais ses écrits restèrent tout à fait confidentiels (voir bibliographie).
 
Abraham Aboulafia priait en obligeant son esprit à effectuer des permutations de lettres hébraïques selon des progressions précises, et après une préparation à la méditation.
Il prenait par exemple la première lettre d'un des noms de Dieu, lui associait dans l'ordre de l'alphabet chacune des autres lettres pour obtenir toutes les paires possibles. Puis il prenait la seconde lettre et faisait de même, etc.
Ce travail était associé au rythme de la respiration (inspiration, expiration, rétention du souffle), accompagné d'un balancement spécifique de la tête (imitant le mouvement des voyelles associées) ainsi que de mouvements précis des mains.
 
On pourrait avoir l'impression qu'il n'y a rien de spirituel dans une entreprise si complexe. Ca n'est pas le cas.
 
En effet, on voit tout particulièrement, avec cet exemple, que l'esprit, tout entier occupé par cette tâche, rompt ce faisant, avec son inclination à l'association mentale. Cette technique a l'avantage d'être suffisamment compliquée pour monopoliser toutes les ressources de l'intellect. Comme toutes les méthodes mystiques, elle lutte contre le principe de divagation de la pensée.
 
Il nous semble que les techniques mystiques basées sur une certaine association mentale forcée, dans des exercices de visualisation complexes par exemple (bouddhisme tibétain), ou de représentations combinées de parties du corps (soufisme bektashi), reposent sur ce même principe de rupture avec le processus de libre association mentale.
 
A noter que la technique d'Aboulafia n'aurait bien sûr pas de sens en dehors de la tradition juive, parce que les lettres et les gestes utilisés y ont une signification spécifique.
 
     
   
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