La lectio divina
 
La lectio divina était une méthode de prière en vogue dans les monastères occidentaux jusqu'à la fin du Moyen age.
 
La lectio divina consiste à écouter la parole divine avec le cœur parce qu'on accompagne cette lecture avec les lèvres.
 
La parole de Dieu (psaumes, évangiles, épîtres...) se coule depuis les lèvres jusque dans le cœur. Cette prière imprime son mouvement à la volonté, qui s'ouvre à Dieu et sa direction à l'intelligence et à la sensibilité, qui cessent de divaguer et se ramassent.
La personne du moine se trouvant ainsi unifiée par moments, c'est à dire que ses différents organes comme l'affection, la volonté, l'intelligence cessent de tirer à hue et à dia de tous les côtés en même temps, le moine fait alors silence un instant avant de reprendre le creuset de sa prière.
Ce silence est
en lui le passage apaisé et thérapeutique du Christ.
 
N'oublions pas que le problème principal qui se pose à qui veut prier, tant que le ciment de la prière continuelle n'a pas commencé à prendre, est que les différents composants de la prière semblent vouloir chacun tirer la prière dans un sens contraire si bien que: la direction ne nous est pas donnée.
La lectio divina s'adapte à nos blocages présents contraires au mouvement de l'unification et nous ouvre par l'effet du verbe à l'impératif de cette unification.
La lectio divina bien conduite, c'est à dire sans poser de soi-même aucun sentiment dans sa prière, est une mystique lumineuse qui permet de creuser petit à petit le trou de Dieu dans la terre de sa propre personne.
 
Quand vous assistez à la liturgie, vous entendez celle-ci comme si elle vous concernait personnellement, et certains passages résonnent alors plus particulièrement en vous, vous appellent en fonction de votre actualité, c'est à dire de votre nécessité intérieure.
Faites de même avec la lectio divina :
lisez comme si les mots avaient été écrits à votre intention propre, comme s'ils vous concernaient personnellement. Soyez prêt à entendre en quoi ils vous appellent maintenant, laissez-les résonner (mais ne les forcez surtout pas à résonner pour vous).
Ainsi, vous ferez preuve d'attention, c'est à dire que vous prêterez le concours de votre personne entière à la lecture.
 
L'extinction de la lectio divina, à partir de la fin du Moyen age, est peut-être due en partie au nombre croissant de distinctions qu'on a cru devoir faire pour clarifier et ordonner théologiquement les étapes de la contemplation. Cette escalade dans la classification spéculative a contribué à perdre l'intelligence pratique de cette forme de prière.
 
La scolastique est un vrai danger. Elle essaie de rationaliser certains aspects qui ne peuvent l'être, en cherchant à y développer des catégories qui n'existent pas.
Méfiez-vous de la scolastique ! Posez-vous toujours la question : ces catégories sur lesquelles je réfléchis sont-elles pertinentes, c'est à dire existent-elles en tant qu'objets susceptibles d'analyse ?
Parfois, on essaie de développer stérilement ce qui n'était que métaphores, parfois encore, on essaie de déterminer ce qui est indéterminé, et parfois enfin, on essaie de séparer des choses qui sont pourtant dépendantes.
Pour autant, ne rejetez cependant pas l'exercice de l'intelligence. Ne vous complaisez pas dans une innocence béate, la compréhension est nécessaire pour rejeter l'inutile.
Vous passerez par des phases de compréhension rénovatrices qui seront des étapes indispensables sur votre parcours. Et même, vous aurez peut-être besoin d'endosser certaines idées tordues pour pouvoir ensuite les délaisser complétement, voire de vous fourvoyer dans des bêtises.
Le chemin vers Dieu n'est droit pour quiconque, parce que nos personnes, avec notre intelligence et notre sensibilité, sont tortueuses.
 
La fin de la lectio divina est aussi due à des facteurs externes, comme le souci de se concentrer sur la lutte contre le protestantisme. Les craintes extérieures de l'organisme de l'église la font toujours se replier dans une attitude défensive toute de rigidité.
 
Une fois le sens de cette pratique perdue, des mystiques excessives ont commencé à émerger, qu'on n'a pas su analyser, engendrant ainsi petit à petit au sein de l'église un sentiment de méfiance informe à l'égard de la mystique.
Et les excès affectifs de la mystique ont alors eux-mêmes servi de rempart, présentant leur figure comme modèle inaccessible de la vie en prière.
Le sens de la prière en occident était perdu.
     
   
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