faut-il être théologien ?
 
Faut-il être théologien pour bien prier ?
 
Préférez être maçon (priant) plutôt qu'architecte (théologien).
Voyez comme le maçon travaille le cœur joyeux en sifflant. Il a seulement l'amour de son travail, et aime le faire avec simplicité.
Voyez maintenant comment l'architecte (le théologien) est obligé de se torturer pour trouver les raisons et les principes de ses projets.
 
Un peu de théologie est nécessaire, comme il faut avoir quelques affaires tout de même chez soi : une casserole pour faire le thé, un tournevis et un marteau pour réparer etc. Mais beaucoup de théologie égare, comme on s'encombrerait d'avoir chez soi trop de babioles.
 
Après tout, on a raconté tellement de choses sur la matière religieuse et mystique, écrit tant de traités, afin de comprendre comment était fait le "royaume de Dieu", qui non seulement n'étaient pas nécessaires, mais malheureusement ont fait perdre à l'église la direction principale de la prière.
Beaucoup de surperflu, et parfois même du nuisible.
 
Un jour, Isaac le Syrien, un moine nestorien du 7° siècle, reçut une lettre d'un frère en Christ, lettre pleine de belle théologie. Isaac répondit à ce frère que toute cette théologie était certes admirable, mais qu'elle ne lui était d'aucun secours pour progresser dans sa prière.
Il le pria d'éviter désormais de le détourner de son but, et de ne plus lui écrire si ce n'était à propos de la pratique de la prière.
 
Mais cependant, il est tout à fait normal à qui voue sa vie à la prière de se poser certaines questions théologiques.
On sera parfois frappé, le long de notre parcours tortueux, par certaines idées très fortes dont il ne faudra pas faire l'économie, parce qu'il y aura des "carrefours de vie", moments où des choix intellectuels ou pratiques devront s'imposer.
Ne reniez aucun de vos talents, y compris l'intelligence. On trouve parfois dans certains lieux chrétiens presque l'apologie d'une idiotie béate, sous le faux prétexte de la simplicité, alors que des gens frappent à ces portes et attendent des réponses intellectuelles.
 
Mais n'oubliez jamais que le navire est celui de la prière. N'oubliez jamais la priorité de la prière.
 
La théologie peut nuire à la prière quand elle en devient le succédané, un ersatz permettant d'éviter l'injonction de la prière, le moyen de finalement ne pas totalement se tourner vers Dieu.
La théologie peut ainsi être une façon d'omettre le voyage en prière, comme l'intérêt pour la chose religieuse peut rester le prétexte pour ne pas devenir pratiquant.
On fait alors comme si le royaume de Dieu nous préoccupait par le moyen de la théologie, mais on ne veut pas franchir le pas, préparer soi-même et en soi la place du Christ par la prière.
 
La théologie peut fonctionner comme une lectio divina, à condition d'avoir revêtu l'attitude de la prière.
 
Enfin, si l'exercice de l'intelligence est souhaitable à condition de ne pas perdre son but de vue, méfiez-vous cependant de ne pas faire de scolastique !
Ainsi, ne cherchez pas à développer le caractère métaphorique de ce qui n'est qu'images.
N'essayez pas de déterminer ce qui relève de l'indétermination, par exemple de déterminer la nature de l'Esprit alors que justement, l'Esprit qualifie cette direction où l'homme ne sait pas lui-même ce qui est bon et nécessaire pour lui.
Enfin, n'essayez pas de
distinguer précisément des choses qui sont dépendantes, et qui ne sont donc pas des objets délimités qu'on puisse étudier, comme les différents organes qui composent notre psychologie.
 
La scolastique est pour l'église comme la vaine gloire pour le chrétien : la salutaire nécessité de comprendre peut se muer en plaisir égocentrique et illusoire de maîtrise.
     
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