Etre chrétien est impossible
 
Gurdjieff, un illuminé peu recommandable de la première moitié du xx° siècle (mais être peu recommandable est une condition nécessaire pour faire carrière d'illuminé), expliqua dans un de ses cours qu'être chrétien était a priori tout à fait impossible, parce qu'on ne pouvait suivre les préceptes de l'évangile sur commande, à savoir aimer son prochain quand, en réalité, il nous insupporte etc. ("Gurdjieff parle à ses élèves", G.I Gurdjieff, éditions du rocher, 1985, p201-202)
 
Ceci nous rappelle les "ordres contradictoires" définis par l'école psychologique de Palo-Alto, qui sont des ordres impossibles à suivre du genre "sois spontané", "j'aimerais que tu sois toi-même"...
Selon cette école de psychologie, ce type d'ordre est aliénant.
La religion, comme toutes les formes d'éducation, est pourtant coutumière de ces ordres contradictoires.
 
Gurdjieff créa un institut près de Fontainebleau dont le but était selon lui :
"aider à devenir capable d'être un chrétien"("Gurdjieff parle à ses élèves", G.I Gurdjieff, éditions du rocher, 1985, p201).
 
Gurdjieff expliquait : "Cependant il est vrai qu'il est tout à fait nécessaire d'aimer. Tout d'abord il faut être capable, alors seulement on peut aimer. Malheureusement, avec le temps, les chrétiens d'aujourd'hui n'ont retenu de cet enseignement que la seconde moitié, aimer, et ils ont perdu de vue la première, la religion qui aurait dû la précéder. Mais il serait tout à fait absurde que Dieu exige de l'homme ce qu'il n'est pas en mesure de donner."("Gurdjieff parle à ses élèves", G.I Gurdjieff, éditions du rocher, 1985, p201-202).
Ce que Gurdjieff appelle la religion est donc la méthode capable de nous apprendre à devenir préalablement chrétiens, sans quoi tout christianisme est impossible.
 
Il n'apparaît pas que Gurdjieff ait tenu ses engagements.
Il malmena ses élèves, organisa des spectacles de danses, écrivit des ouvrages échevelés de science-fiction mystique mais dut perdre de vue qu'il devait aider ses élèves à devenir de vrais chrétiens.
Il a pourtant préconisé au début certaines techniques très intéressantes, comme le "rappel à soi", une sorte d'effort de conscience à soi-même de chaque instant. Mais malheureusement aucun ouvrage ne rapporte précisément le détail de ces techniques.
 
La tradition chrétienne elle-même enseigne de telles méthodes, et il suffit de les entendre et de les suivre.
Ceux qui ont suivi Gurdjieff aimaient en lui l'obscurité de son message. C'est la voie de l'occultisme, incapable de montrer ce qu'elle a trouvé, puisqu'elle cherche seulement à s'envelopper dans la prétention d'un mystère qui lui suffit.
Umberto Ecco a raconté dans un roman comment, pour un occultiste, il n'y avait pas de plus puissant mystère que le secret qui n'existait finalement pas ("Le pendule de Foucault", Umberto Ecco, Grasset, 1990).
C 'est le fondement de l'occultisme : se croire le privilégié d'une doctrine dont l'intérêt est d'être virtuelle.
 
 
Loin de cette démarche occultiste, ceux qui cherchent des usages clairs les trouveront explicitement décrits chez les pères de l'église, même si ces usages ont été recouverts d'insupportable scolastique.
L'église catholique ne met pas tellement en avant ces méthodes, car elle a développé une méfiance à l'égard de la mystique depuis la fin du Moyen age, après que la scolastique ait réussi à réduire en miettes, diaboliquement, la lectio divina en occident.
L'église tient maintenant la sainteté comme une chimére lointaine, réservant l'usage de ses saints à la dévotion populaire, malgré que la déification par la grâce soit pourtant le but du Christianisme.
     
   
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