L'éveil est épais comme un cheveu
 
La notion d'éveil semble étrangère au christianisme. Elle est pourtant très importante dans d'autres courants religieux, dont le bouddhisme zen.
De quoi s'agit-il ?
 
Le véritable initiateur du bouddhisme zen en chine (tch'an) fut, après Bodhidharma, Houei-Neng, le sixième patriarche (638-713).
Qu'apporta-t-il de si révolutionnaire ?
 
Dans le monastère où Houei-Neng servait, le 5° patriarche proposa que la succession de la lignée revienne à celui qui écrirait la meilleure stance concernant le travail spirituel.
Chen-Siou, l'enseignant le plus érudit proposa :
"Le corps est l'arbre de l'illumination,
et l'esprit est comme un miroir clair.
Appliquez-vous à le nettoyer sans cesse
pour qu'il demeure sans poussière."
Nous reconnaissons là le travail de purification au sens où nous l'avons entendu jusqu'à maintenant.
Son maître, le 5° patriarche répondit à Chen-Siou qu'il avait raison, mais qu'en se limitant à cette stance, on ne pouvait cependant atteindre à l'éveil..
 
Houei-Neng, jeune garçon occupé à piler le riz dans ce monastère, devint le 6° patriarche en lui opposant que le travail de purification était différent de l'éveil ultime.
"L'éveil ne comporte pas d'arbre
ni de miroir brillant.
La nature de Boudha est éternellement pure,
où pourrait se déposer la poussière ?"
Les générations suivantes de maîtres essayèrent de provoquer, chez des disciples arrivés à maturité, cette illumination.
 
L'éveil est visiblement un phénomène très simple en soi, mais cependant difficile à obtenir. Il ressemble beaucoup à la "conversion" chrétienne, à la "métanoïa".
 
On pourrait déduire de l'enseignement précédent que la pratique d'une méthode de méditation ainsi que l'effort de compréhension ne servent à rien. Pourtant, les générations suivantes du tchan ont pratiqué la méditation, et même assez souvent le nembutsu, et également étudié les textes religieux.
Houei-Neng s'adressait à des moines très au fait de la littérature bouddhiste et qui pratiquaient très bien la méditation. Auraient-ils été incultes et sans pratique que son message n'eût pas eu de sens.
Cependant, sa révolution consista à leur dire que le phénomère de l'éveil se situait sur un autre plan que celui de la pratique et de la compréhension religieuses.
 
Par ailleurs, à regarder attentivement tous les récits d'éveil, dans le zen et ailleurs, nous découvrons que la première illumination n'est en fait jamais définitive et qu'il faut poursuivre à nouveau le travail sur soi-même.
 
Il est pourtant vrai que les bouddhistes envisagent bel et bien une illumination ultime qui soit définitive. Ceci constitue-t-il une divergence radicale avec la doctrine chrétienne ?
Les hésychastes envisagent également un stade ultime, qu'ils nomment "apathéia".
Il existe d'ailleurs également une étape intermédiaire appelée "hésychia".
 
Dans les pages précédentes, nous avons souvent assimilé le produit de la prière à une "ouverture intérieure" et ce que nous venons de dire de l'éveil peut nous aider à approcher la nature de cette "ouverture intérieure".
     
   
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