Recette pour composer une religion
 
 
Prendre d'abord une religion ou un culte déjà existant (ou faire soi-même un mélange à partir de diverses sources).

En effet, toute religion dérive d'une autre : le christianisme du judaïsme (et on peut d'ailleurs se demander de quelle autre religion dérive le judaïsme ? ), le bouddhisme du brahmanisme...
Toute religion est un détournement, nous pourrions presque dire (au risque de choquer) une usurpation.
Mêler ensuite selon votre goût les ingrédients suivants.
 
 
La composante groupe (obligatoire)
  Une religion délimite toujours un territoire humain. L'ecclésia pour les chrétiens, le peuple élu pour les juifs etc. La propriété de ce territoire est de laisser entendre à ceux qui en font partie qu'ils sont dotés d'un privilège. Ce privilège est virtuel : c'est justement celui ... d'appartenir au groupe. Ceux qui sont à l'extérieur de ce groupe sont encore dans l'ombre, ce sont les profanes, les néophytes, les païens, ils ne savent pas encore ...
     
    La sous- composante idéologique (facultative)
    Il y a idéologie chaque fois qu'on pense avoir trouvé l'origine du mal dans le monde. Les religions sont d'épatants véhicules d'idéologie.
Ainsi, le mal proviendrait de la nature mauvaise de l'homme (selon l'idéologie longtemps véhiculée par le christianisme), d'une société mal construite (idéologie issue des lumières, qui a succédé à l'idéologie du christianisme), de l'exploitation capitaliste de l'homme (idéologie communiste), de la non-conformité de la société aux préceptes religieux (idéologie des "frères musulmans")...
L'idéologie renforce à l'extrême la composante groupe : les profanes du territoire deviennent des ennemis.
Chaque religion a derrière elle une page de son histoire écrite avec des lettres de sang. Leurs représentants s'en excusent en parlant d'incidents de parcours, d'anomalie historique et invoquent la "nature humaine". Mais une anomalie qui est une constante s'appelle une loi : la religion déploie un fanatisme chaque fois qu'elle croit avoir reconnu LA cause humaine du mal.
Mais la religion ne véhicule pas obligatoirement d'idéologie.
     
   
Le niveau le plus bas de l'idéologie : le racisme
 
La composante savoir (obligatoire)
  Le savoir ne signifie pas ici une vérité vérifiée, mais une vision du monde, une doctrine liée à une pratique (rites) qui délimitent ensemble le territoire dont nous venons de parler ci-dessus.
  Doctrine et rites sont indissociables. Les rites fondent la doctrine et la doctrine fonde les rites.
  Ce savoir religieux traduit le lien de notre monde avec le surnaturel, lequel est toujours supposé.
   
 
   
  On a beaucoup écrit sur les symboles en les prélevant, pour mieux les observer, de leur appareil religieux (lire Mircea Eliade, par exemple ).
La science procède obligatoirement ainsi, en retranchant un objet de son milieu pour faire abstraction d'un certain nombre de paramètres et permettre d'en distinguer les lois.
Mais le symbole tout seul n'existe pas. Etudier un symbole isolé, c'est étudier un cadavre.
Par ailleurs, on n'a pas suffisamment vu (sauf Jean Daniélou, le génial historien des origines du christianisme) que le symbole reçoit sa vitalité en amont des rites et de la doctrine, et non le contraire : ce n'est pas le symbole qui, en tant que dénominateur commun, génère du rite, mais la doctrine et le rite qui ont besoin de la langue du symbole pour prendre vie.
Le symbole est un signe exprimant une polarité de sens (ainsi la croix exprimera en même temps la vie et la mort), faisant recevoir comme une évidence la langue de la doctrine et du rite.
   
  Qu'est-ce que le rite ?
Dans son introduction à "les grands textes de la Cabale, rites qui font Dieu" (Verdier, 1993), Charles Mopsik définit la cabale comme une théurgie, c'est à dire une tentative d'action de l'homme sur Dieu : cette définition vaut aussi pour tout rite. A quoi bon, en effet, avoir l'idée d'un monde divin, si ce n'est pour essayer de s'en attirer les grâces ?
     
    La sur- composante mystique (facultative)
    Cette composante affirme une insatisfaction par rapport à notre nature ordinaire, et prétend qu'une modification de cette dernière est possible.
Des générations d'hommes (et de femmes) ont décrit ce phénomène mystique tel qu'ils ont pu l'expérimenter, en particulier les obstacles d'ordre mental qui s'y opposent. La psychologie perd beaucoup dans la compréhension des mécanismes de l'esprit en refusant d'étudier le fruit de cette longue lignée d'expériences.
    Cette composante peut s'ajouter aux autres, mais n'est pas obligatoire. C'est pourtant à cette seule composante mystique que nous avons prêté attention ici : faut-il apprendre à la démêler de son environnement ?
     
     
   
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